Maladies rares : Focus sur les maladies métaboliques

À l’occasion de la campagne de levée de fonds pour la recherche pédiatrique, nous nous penchons sur une des spécialités de l’Hôpital des Enfants : les maladies métaboliques. Ces maladies altérant le fonctionnement cellulaire sont d’origine génétique. Pour les maladies métaboliques impliquant les protéines, les graisses et le sucre, il existe parfois des traitements. Et lorsqu’un traitement n’existe pas encore, les actions sont entreprises pour ralentir l’évolution de la maladie. Un élément clé du dispositif du prise en charge fait le lien entre expertises en métabolique et nutrition. Entretien avec l’équipe pluridisciplinaire de l’Unité de métabolique et nutrition de l’Hôpital des Enfants.

Notre organisme est une machinerie complexe qui repose sur le travail de centaines de milliards d’ouvrières : les cellules. Une véritable armée qui constitue tous nos organes et régule les réactions biochimiques essentielles à la bonne marche de notre corps. Pour accomplir leurs tâches, les cellules fabriquent une multitude de molécules différentes à l’aide d’un livre de recettes. Il s’agit de l’ADN, où sont consignés sous forme de gènes les secrets de fabrication de tous les composés cellulaires. Il suffit qu’un gène soit défectueux pour compromettre la production de la molécule correspondante. Ceci peut perturber tout le fonctionnement de notre organisme et être à l’origine d’une maladie métabolique héréditaire grave. Ces sont des maladies qui peuvent toucher tous les organes. La plupart ont un traitement, mais pas toutes.

Un grand nombre de maladies métaboliques sont actuellement dépistées à la naissance par le programme de dépistage néonatal  systématique (communément appelé “test de Guthrie”), qui dépiste actuellement 14 maladies rares en Belgique francophone. D’autres affections métaboliques rares se manifestent plus tard dans l’enfance ou à l’âge adulte par des symptômes aussi variés que des hypoglycémies, un retard de développement, de l’épilepsie, un faiblesse musculaire ou une pathologie cardiaque, rénale ou hépatique inexpliquée. Les maladies métaboliques toutes pathologies confondues couvrent 1 naissance sur 3500. Environ 250 patients sont suivis à l’HUDERF, et 2000 patients bénéficient d’une convention en Belgique dans un des 8 centres métaboliques*. Ce sont des maladies rares, aussi appelées maladies orphelines, mais il en existe un grand nombre. Actuellement, les maladies métaboliques représentent environ 1000 à 2000 maladies, mais les chercheurs estiment qu’il existe potentiellement 6000 maladies métaboliques. Pas moins de 50% des maladies métaboliques vont être diagnostiquées à l’âge adulte.

L’exemple de la phénylcétonurie : quand le traitement passe par l’alimentation

La phénylcétonurie est la première maladie métabolique a avoir été dépistée, dès 1968. Cette maladie génétique héréditaire empêche les enfants qui en sont atteints de transformer une substance naturellement présente dans l’alimentation, la phénylalanine. Sans dépistage et traitement précoce, la maladie entraîne une accumulation de phénylalanine dans l’organisme, particulièrement toxique pour le cerveau en développement de l’enfant. Le dépistage néonatal permet d’identifier très rapidement et de les traiter grâce à un régime alimentaire particulier, ce qui empêche l’apparition des manifestations de la maladie et leur permet par la suite de mener une vie normale.

Nourrir et apprendre à nourrir pour traiter

La phénylcétonurie est traitable par un régime alimentaire strict, et pour d’autres  maladies métaboliques, la mise en place d’un régime diététique particulier permet de ralentir l’évolution de la maladie. Les maladies peuvent altérer soit le métabolisme intermédiaire (protéines, glucides, lipides…), soit le métabolisme énergétique ou encore le trafic intracellulaire (maladies peroxysomiales, lysosomiales…). Une approche nutritionnelle fine et une connaissance pointue de la nutrition permet d’influencer le métabolisme.

Depuis les débuts de l’hôpital, une équipe dédiée se consacre à la préparation de repas adaptés aux différentes diètes des enfants au sein d’une cuisine diététique. Chaque jour, les diététiciennes pédiatriques assurent la mise en pratique de la prescription diététique, les cuisinières de la cuisine diététique réalisent le petit-déjeuner, dîner et souper des patients hospitalisés. Les diététiciennes de l’enfant sont les intermédiaires entre la prescription médicale, la chimie des aliments et le contenu du repas, tout en ne perdant pas de vue le contexte individuel et familial.

« Si le traitement est la prise en charge nutritionnelle, alors l’éducation thérapeutique est primordiale. Quatre fois par an, nous organisons des ateliers pour les enfants et les parents , pour apprendre à faire du pain, faire des pizzas mais aussi prendre le temps d’expliquer les mécanismes de la maladie au travers d’ateliers enzymes, nutrition… par type de pathologie. Les parents nous disent que ces ateliers les aident à ne pas se sentir isolés. L’équipe développe aussi des jeux pour les enfants : l’image du train pour représenter le fonctionnement des enzymes, avec une barrière qui représente l’enzyme déficitaire, qui reste baissée provoquant une accumulation… On fait preuve d’inventivité pour stimuler les enfants et les aider à s’approprier leur traitement. Cela passe aussi par le quotidien, alors on va au supermarché avec les enfants pour apprendre à lire les étiquettes : l’équipe embarque ses ados, les jeunes enfants, les enfants qui apprennent à lire… », expliquent Aude Pace et Hafsa Ahnifi, diététiciennes.

Le futur de la prise en charge

« De plus en plus, nous allons vers une prise en charge thérapeutique différente avec l’apparition de nouvelles molécules. Cela concerne également la métabolique. Les molécules chaperon redonnent une meilleure forme aux enzymes, ce qui permet de diminuer les symptômes et d’améliorer certaines pathologies. Au sein de l’HUDERF, on propose aux patients de participer à des études cliniques pour mieux comprendre la pathologie et orienter la prise en charge thérapeutique. On se rapproche de plus en plus de la thérapie génique pour l’avenir des traitements », explique le Dr De Laet. Toutefois, comme pour toutes les maladies rares, les coûts des traitements médicamenteux sont tous très élevés, et ces traitement sont à suivre à vie.

Le domaine de la métabolique est également en pleine expansion grâce aux avancées exponentielles du diagnostic génétique et l’étude du génome de ces dernières années. Le séquençage permet de repérer les zones candidates : l’anomalie génétique s’exprime par la voie métabolique. Actuellement, on étudie le mendeliome donc on recherche dans les gènes connus. Nous commençons à pousser nos recherches dans l’entièreté du génome, notamment pour des situation neurologiques particulières dont certaines peuvent être liées au maladies métaboliques. Il est indispensable de soutenir et d’encourager les chercheurs dans ce domaine, l’accès à la recherche est encore trop difficile.

Parents et patients partenaires : un trajet d’apprentissage vers encore plus de dialogue

L’éducation thérapeutique est aussi un trajet d’apprentissage pour une équipe. « C’est par exemple accepter que le besoin de la famille peut être différent de notre souhait de performance », explique le Dr De Laet. « Pas évident de prime abord, car on souhaite tous que l’enfant aille mieux. Mais nous misons sur l’écoute, pour amener plus de dialogue entre soignants et familles. « Le bien-être fait aussi partie de nos priorités », complètent Alicia Vandenoetelaer et Juliette Robberecht, psychologues de l’unité. « Lorsqu’une telle maladie survient dans une famille, c’est tout un projet de vie qui est chamboulé. Apprivoiser le quotidien ne se fait pas du jour au lendemain et chaque famille évolue à son rythme. On propose un accompagnement, au stade auquel les parents ressentent le besoin de nous impliquer. Parfois à l’annonce du diagnostic pour aider les parents à expliquer au reste de la famille. Parfois après 1 an ou deux, une fois que l’horizon s’élargit, que l’école entre en jeu… Quand un enfant est hospitalisé, nous évaluons l’impact de la maladie sur son développement, ce qui permet d’adapter la prise en charge avec les parents et l’école. Chaque nouvelle étape est une possible remise en question ». Une démarche d’écoute de la part de l’ensemble des membres de l’équipe, qui se traduit également dans l’accompagnement de la fin de vie, où les familles sont entourées par tous les membres de l’équipe et les équipes de soins palliatifs.

Le partage de la connaissance pour accompagner les patients toute leur vie

« Un partage de la connaissance sur ces maladies entre professionnels est indispensable et permet une prise en charge adaptée tout au long de la vie. Nos patients nés en 1992 sont maintenant des jeunes femmes de 29 ans, qui mettent à leur tour des enfants au monde », explique Dr De Laet. Lorsqu’une patiente atteinte de phénylcétonurie devenue adulte souhaite être enceinte et durant toute sa grossesse, une femme doit suivre un régime permettant d’avoir un contrôle métabolique strict, pour ne pas mettre en danger le développement de l’embryon et du fœtus. Par ailleurs, le risque d’avoir un enfant atteint de phénylcétonurie est de un sur quatre à chaque grossesse lorsque les deux parents sont porteurs de la mutation, d’où l’importance du dépistage familial pour préparer au mieux la naissance et la prise en charge de l’enfant à venir si les deux parents sont porteurs de la mutation. « Rendre le patient autonome pour faciliter son passage dans le monde adulte et établir des ponts pour transmettre les connaissances entre professionnels sont des éléments sur lesquels notre équipe travaille, notamment avec les équipes du CHU Brugmann dans le cadre d’un programme de transition.

*A propos du Centre Métabolique ULB VUB

L’HUDERF est la référence pédiatrique du Centre métabolique ULB VUB pour le traitement et la prise en charge des maladies métaboliques et constitue l’un des huit centres reconnus officiellement par l’INAMI en Belgique. La prise en charge des patients s’appuie sur une équipe multidisciplinaire constituée de médecins (pédiatres, généticiens, internistes, gynécologues…), diététiciens, psychologue et assistant social. L’objectif de l’équipe est d’offrir une prise en charge globale, incluant l’éducation thérapeutique des enfants et adolescents mais aussi l’accompagnement social des familles. Le Centre de Métabolique ULB VUB collabore avec d’autres centres universitaires nationaux et internationaux, notamment au sein du réseau MetabERN (European Reference Network for rare or low prevalence complex diseases) afin d’échanger sur ces maladies rares. Le Centre Métabolique a établi des liens forts avec le Laboratoire de Pédiatrie de l’ULB et le Laboratoire Brightcore ULB et VUB.  https://www.huderf.be/fr/med/metabol/

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