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Ces bébés qui ne veulent plus manger

Le Pr Golse était l’invité du Pr Delvenne et de ses équipes lors d’un séminaire sur le thème « Oralité primaire et oralité secondaire, d’une bouche à l’autre ».

L’anorexie ne survient pas qu’à l’adolescence. Chez les bébés, déjà, le repas peut cristalliser le conflit. Le professeur Bernard Golse, chef du service de pédopsychiatrie à l’hôpital Necker, à Paris, était à l’Hôpital universitaire des enfants Reine Fabiola (Huderf) pour un séminaire sur le thème «Oralité primaire et oralité secondaire, d’une bouche à l’autre».

Professeur, est-ce que les troubles alimentaires chez les nourrissons sont rares ?

D’une manière générale, les statistiques chez les tout-petits sont assez difficiles à obtenir, car les outils sont destinés aux adultes. L’épidémiologie en psychiatrie des bébés est assez balbutiante.

Les signes cliniques sont très connus mais je ne peux par exemple pas vous dire si ça concerne plus les garçons ou les filles. Je peux vous dire que ce n’est pas fréquent, mais pas non plus extrêmement rare. Une étude américaine d’Irene Chatoor mentionne 25 à 35% de la population générale… cela me paraît beaucoup. Et elle monte jusqu’à 45 à 70% chez les enfants prématurés.

Est-ce que ça inclut la sélectivité alimentaire? Il y a des enfants qui sont très sélectifs dans ce qu’ils mangent. Est-ce que c’est vraiment un trouble alimentaire? Car ils mangent et ne maigrissent pas… On ne sait pas si les chiffres sont transposables chez nous.

Est-ce qu’on parle d’anorexie mentale chez les bébés ?

Le terme est contesté, parce que dans le cas de l’anorexie mentale de l’adolescente, il y a une volonté de ne plus manger, même si elle a faim. Et ça, c’est plus difficile à envisager chez des tout-petits, c’est plutôt des atteintes de la faim.

Quels sont les troubles les plus courants ?

Il y a l’anorexie commune du bébé, dans le 2e trimestre. C’est très très banal: le sevrage est passé, l’enfant commence à s’opposer, il y a un rapport de force qui s’instaure. Il n’y a pas de trouble de la faim, ni de l’appétit.

Il y a ensuite des troubles plus spécifiques, chez des enfants hospitalisés en soins intensifs, qui ont des problèmes de déglutition ou de respiration. Là, la difficulté alimentaire est plus inquiétante, parce qu’elle menace leur croissance. Certains enfants doivent être nourris par sondes: soit une sonde par le nez qui va jusqu’à l’estomac, soit une sonde qui traverse la paroi abdominale pour aller dans l’estomac directement.

La sonde perd la fonction de goût, et la sonde devient très difficile à enlever, car c’est comme si on privait l’enfant d’une partie de son corps. Il faut relancer le plaisir de manger et la faim.

Il y a des troubles moins graves comme la néophobie, le fait d’avoir peur de découvrir de nouveaux aliments.

Parmi ces bébés qui ne veulent plus manger il y a tous les degrés: il y a des petits mangeurs, des enfants qui ne peuvent manger que toujours la même chose ou un aliment de la même couleur, la même consistance. Cela concerne des enfants quasi normaux et des enfants autistes, qui ne veulent manger que des aliments très spécifiques.

De quels outils disposez-vous pour aider les bébés ?

On connaît mieux les interactions précoces entre le parent et l’enfant, et donc les consultations thérapeutiques sont essentielles: comprendre comment l’enfant est né, où en sont les parents, etc. C’est l’outil principal, qui a une vertu thérapeutique.

Indépendamment de cela, on a l’intervention de personnes comme des psychomotriciennes, qui aident les bébés à ressentir et investir leur corps, quand ils sont plus grands et que les troubles alimentaires menacent le langage, on fait intervenir des logopèdes. Puis, il y a des éducateurs… c’est un travail d’équipe. »

SOURCE – Interview : Anne SANDRONT – L’Avenir – Lundi 21 janvier 2019

Crédit photo: goodluz – stock.adobe.com


Ce séminaire fait partie d’une série de 4 séminaires consacrés aux troubles de l’orarlité chez l’enfant. Pour connaître les prochaines dates de séminaire c’est par ici.

Nous remercions chaleureusement Anne Sandront et l’Avenir pour leur aimable autorisation de republier cet article.